Les Halles de Schaerbeek
— Brussels —

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Rendez-vous avec Conchita Paz et le Théâtre des 13 vents

par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore, rédacteur en chef de L'Oeil d'Olivier

La saison 2022-2023 des Halles de Schaerbeek sera marquée par la double visite de la troupe du Théâtre des 13 vents (Montpellier) et de sa création - Hamlet, Ophélie, Un diptyque - signée par le duo que forment Nathalie Garrraud et Olivier Saccomano.
Un diptyque écrit à partir de l'oeuvre de Shakespeare et de ses jeunes personnages révoltés que son Hamlet - Un Hamlet de moins - et Ophélie - Institut Ophélie. Un Hamlet de moins est une forme théâtrale mobile, proche du théâtre de tréteaux, qui s'arrêtera pour trois représentations dans la salle polyvalente de l'Institut Saint-Dominique (Schaerbeek), du 1er au 3 février 2023. Institut Ophélie est une pièce féministe, qui s'intéresse aux représentations de la femme dans l’histoire des siècles, et l’histoire de l’art en particulier. Aux Halles de Schaerbeek les 19 et 20 mai 2023.
Le diptyque Hamlet, Ophélie est une occasion unique de rencontrer deux fois la comédienne Conchita Paz (Ophélie) dont la présence sur scène est "éclatante autant que tellurique". Merci à L'Oeil d'Olivier de nous prêter l'entretien ci-dessous et de nous permettre de faire déjà un peu connaissance avec Conchita Paz.

 

Olivier Frégaville-Gration d'Amore : Quel est votre premier souvenir d’art vivant ? 
Conchita Paz : Un Molière joué sur la place du village ou j’ai grandi. Les costumes, l’énergie du jeu, il s’y passait quelque chose qui m’a rendue dingue sans que je ne comprenne pourquoi. 

Quel a été le déclencheur qui vous a donné envie d’embrasser une carrière dans le secteur de l’art vivant ? 
Enfant, je poussais la table du salon pour faire des imitations d’hommes politiques. Toute l’attention se portait alors sur moi, sur ma capacité à faire rire. Quand les amies de ma mère finissaient par dire « c’est un clown », j’avais gagné.

Qu’est-ce qui a fait que vous avez choisi d’être comédienne ? 
Adolescente, je penchais vers la peinture, vers ces heures solitaires et répétitives, mais le rêve secret était le jeu. Choisir le théâtre m’a permis d’entrer en contact avec les autres, d’apprendre véritablement à parler, de chercher à saisir cette première sensation si étrange : qu’est-ce qui circule entre la scène et la salle ?

Le premier spectacle auquel vous avez participé et quel souvenir en retenez-vous ?
Ce n’est pas un spectacle, mais un poème à l’école. J’avais tout prévu, le costume, les accessoires, la voix, … Un grand plaisir à dire ce poème, à produire un imaginaire que je voulais très concret et un vague malaise aussi, j’en avais fait beaucoup trop. 

Votre plus grand coup de cœur scénique ?
Orphéon de François Tanguy, le Théâtre du Radeau. Trop magnifique pour en dire quoi que ce soit. 
La chambre d’Isabella de Jan Lauwers, Needcompany.

Quelles sont vos plus belles rencontres ? 
La rencontre avec la troupe dans laquelle je suis encore aujourd’hui. Menée par une metteuse en scène, Nathalie Garraud et un auteur, Olivier Saccomano. Les premières années dans la troupe ont été comme une seconde école. On a appris ensemble à préciser ce qui constitue pour nous le jeu, le rapport aux spectateurs, à se plonger longuement dans des recherches dramaturgiques diverses. J’y ai appris qu’il était possible que le travail du jeu soit un art, un endroit de création autonome et interdépendant, notamment par le biais de l’improvisation. L’acteur Florian Onnéin avec qui je partage toutes ces questions.

En quoi votre métier est essentiel à votre équilibre ? 
Une possibilité de suspension dans la précipitation générale. Un endroit protégé où la pensée a toute sa place. L’expérience offerte à mon corps et à mon esprit de traverser des situations et des rapports inconnus. 

Qu’est-ce qui vous inspire ? 
Une lecture, une peinture, un film, une discussion dans laquelle s’est glissée une pensée obsédante. Je vais parfois chercher du côté de la danse un vocabulaire lié à la composition que je ne trouve pas au théâtre. Regarder mes partenaires travailler, aussi. Chercher à comprendre, à nommer en voyant les autres faire.

De quel ordre est votre rapport à la scène ? 
J’oscille entre euphorie et désespoir. Je cours après une légitimité, un besoin de consolation impossible à rassasier. J’ai entendu toute mon enfance « ce n’est pas pour nous », les études, l’argent, les livres,… Faire du théâtre, c’est réaliser un rêve. Je n’avais rien à faire là et j’y fais (presque) tout. C’est une grande joie. En réfléchissant à cette question, je pense au petit moine de Brecht dans La vie de Galilée. Au plateau, ma première interrogation, c’est l’espace, la scénographie, les circulations et les rapports que cela dispose.

À quel endroit de votre chair, de votre corps, situez-vous votre désir de faire votre métier ? 
Où se situe la pensée, quelque part entre la tête et la plante des pieds…

Avec quels autres artistes aimeriez-vous travailler ? 
La pudeur m’interdit de les citer.

À quel projet fou aimeriez-vous participer ?
J’aimerais que Beckett, Kafka et Virginia Woolf écrivent un texte fleuve. On proposerait alors aux Tg Stan, à Daniel Janneteau, Joël Pommerat, Françoise Bloch, Marthaler et quelques autres d’en faire de multiples mises en scène sur une durée d’environ 10, 15 ans. Je jouerais aux côté de Dominique Reymond, Olivia Colman, Laurence Chable et Geena Rowlands. Maguy Marin viendrait régulièrement nous aider ainsi que Loïc Touzé. Et bien-sûr, François Tanguy passerait quand il voudrait. 

Si votre vie était une œuvre, quelle serait-elle ? 
En ce moment, une peinture de Mickael Borremans. Une composition de signes et de personnages mystérieux et légèrement opaque à moi-même.